Synthèse des exposés du Congrès d'Audierne - les 23 et 24 juin 2006
(
en cours de réalisation)
Le congrès de juin
2006 à Audierne a accueilli plus de 240 participants, dont une assistance
moyenne de 160 personnes aux exposés qui ont eu lieu au cinéma Le Goyen
près du port.
En introduction le vendredi matin, Jean-Paul Coatmeur, maire d'Audierne,
nous a rappelé brièvement l'histoire d'Audierne, liée au milieu maritime
: pêche à Terre-Neuve, école d'hydrographie...
A l'apogée de la pêche bretonne, Audierne a compté 19 conserveries et
500 barques de pêche embarquant 1500 marins. Les conserveries ont traité
aussi bien des sardines et des maquereaux que des produits de l'agriculture
comme les petits pois et les haricots verts. Audierne dispose encore des
plus grands viviers d'Europe pour le homard et la langouste. Les inscrits
maritimes ont compté jusqu'à 1629 marins de commerce et 1132 marins pêcheurs.
Si Audierne a été le port langoustier du Caz-Sizun, ce n'est plus l'activité
principale aujourd'hui ; et on ne compte plus que 400 inscrits maritimes,
répartis pour moitié entre commerce et pêche.
Aujourd'hui le tourisme se développe fortement, avec des groupes résidentiels
comme Pierre et Vacances, qui réoccupent avantageusement les emplacements
d'anciennes conserveries.
Le site web d'Audierne : http://www.audierne.fr/
Le
maire de Mahalon, Bernard Le Gall, nous a présenté le contexte du
Cap-Sizun, dont il est président de la communauté de communes : 11 communes
plus l'île de Sein en font partie. Le bilan démographique actuel n'est
pas excellent : plus de 40% de la population a plus de 60 ans (contre
25% en France), et 2000 Capistes ont plus de 75 ans (soit 14% contre 7%
en France) ; et 16% seulement des habitants a moins de 20 ans (contre
25% en France). Le territoire du Cap-Sizun est donc en pleine mutation
et cherche à être attractif : ainsi, le foncier reste plus accessible
que dans les grandes villes et leurs périphéries. Le contournement nord-ouest
de Quimper sera utile au développement de la région, qui compte actuellement
500 logements en projet ou en construction.
La population active est de 5500 personnes, dont plus de 1000 travaillent
à Quimper et Douarnenez. Il y a aujourd'hui 600 agriculteurs et 300 pêcheurs,
550 entreprises de commerce et artisanat. Le tourisme est un enjeu majeur
de l'avenir, et accueille plus de 800.000 personnes par an. L'accueil
en camping-car est aujourd'hui le premier de Bretagne. Basés sur un patrimoine
d'exception, des circuits thématiques font découvrir le Cap-Sizun, qui
réserve bien des découvertes à ses hôtes.
Un patrimoine à découvrir sur http://www.capsizun.com/
, http://www.audierne.info
Le Cap-Sizun, à
la pointe sud-ouest du Finistère, regroupe les communes de : Audierne,
Beuzec-Cap-Sizun, Cleden-Cap-Sizun, Confort-Meilars, Esquibien, Goulien,
Mahalon, Plogoff, Plouhinec, Pont-Croix, Primelin et l'Ile de Sein.
Histoire et archéologie (vendredi matin)
Michel Le Goffic - Aperçu de la préhistoire et de l'archéologie
Michel Le Goffic,
responsable du service d'archéologie du Finistère, nous a fait parcourir
l'historique des découvertes archéologiques aux XIXe et XXe siècles :
le chanoine Moreau (Moguer Créguy) ; Le Chevalier de Fréminville (qui
décrit de nombreux monuments dont certains ont aujourd'hui disparu (le
dolmen de Sein, que les Allemands ont fait sauté pendant la guerre, le
menhir de la pointe du Raz) ; Le Men, qui réalisa un inventaire des sites
archéologiques, dont la description des éperons barrés de Castel-Meur
et Castel-Coz ; Hyacinthe Le Carguet, qui décrivit dans le bulletin de
la Société Archéologique du Finistère le site de la pointe du Souc'h en
Plouhinec ; Paul du Châtelier et la création du groupe d'études historiques
qui fut à l'origine du musée de Penmarc'h. Les fouilles de Kersignaux...
Les falaises du Cap-Sizun sont plus ou moins abruptes, et comportent de nombreuse failles, à l'origine
de grottes qui ont procuré des abris aux populations préhistoriques. Ainsi le site de Ménez Dregan a fourni de nombreux débris et objets
(galets éclatés, choppers...) datant de 450.000 à 380.000 avant JC ; les zones rubéifiées montrent l'usage du feu pour se
chauffer et se nourrir. Mais les ossements se conservent très mal dans les sols bretons humides et acides : une dent d'éléphant trouvée
sur le site est donc un objet exceptionnel.
Entre 350.000 et 10.000 avant JC, le niveau de la mer remonta de plusieurs
dizaines de mètres, déplaçant les populations du rivage. De - 8000 à -
5000, de nombreux sites comme le Souc'h à Plouhinec ont fourni jusqu'à
16.000 objets du Mésolithique.
Au Néolithique, la
mer est encore à cinq mètres en-dessous du niveau actuel ; de nombreux
dolmens existent le long de la côte. Le site du Souc'h a livré une tombe
datant de - 4500. Les fouilles du site se poursuivent, et seront terminées
en juillet 2006 pour le cairn septentrional. Il s'agit d'un site complexe,
avec de nombreuses sépultures mégalithiques collectives.
L'allée couverte de Pors-Poulhan à Plouhinec a donné lieu à un travail
de restauration complète (le monument avait sauté pendant la guerre sur
ordre des Allemands).
L'âge du bronze s'est révélé très riche à Plouhinec (tumulus, coffres...) ; l'âge du fer montre un riche mobilier
réparti sur tout le Cap-Sizun, à l'exception de Plouhinec. On trouve des ossariums (fûts de pierre évidés pour contenir
cendres et ossements, et recouverts d'une couronne), surtout à Esquibien. Ils sont caractéristiques du Cap-Sizun, et on n'en trouve pas ailleurs
dans le Finistère.
Serge
Duigou - La vie maritime au Cap-Sizun du XVe au XVIIIe siècle.
Au XVe siècle, les pêcheurs du Cap ramènent dans leurs barques du merlu, du
congre, de la julienne, qu'ils pêchent près des côtes de Pâques à la Saint-Michel (voire jusqu'à la Toussaint).
Notons l'existence du fief du Quemenet, appartenant aux Rohan, faisant
un arc-de-cercle de Penhars jusqu'à Plouhinec, et apportant ainsi une
certaine richesse grâce à la pêche.
Le poisson est ensuite traité par des sècheries et des saleries, et vendu jusqu'à Bordeaux et La Rochelle ; en retour, les bateaux
ramènent des barriques de vin. En 1453, la bataille de Castillon met fin à la guerre de Cent Ans, ce qui permet au commerce maritime
de se développer. Le bateau type d'Audierne est alors la carvelle, d'au plus 60 tonneaux. Mais on peut trouver ailleurs des caraques et autres
navires plus gros.
Les navires bretons montent jusqu'aux Flandres (avant-ports d'Anvers et de Bruges) et en Ecosse (Leith), vont aussi en Irlande, descendent à
Cadix et Séville (sans rentrer en Méditerranée).
La façade atlantique devient le monde du commerce maritime breton, qui fait l'essentiel du trafic. Le commerce du pastel (teinture bleue)
se fait surtout par la flotte de Penmarc'h, qui est majoritaire à Bordeaux ; mais à la fin du XVIe siècle, Audierne finit
par s'y imposer. Pourtant, au XVIIe siècle, les Flandres et l'Angleterre construisent leurs propres flottes de commerce, et c'est le début
du déclin pour les ports bretons.

Paul Cornec
- Le renouveau spirituel dans le Cap-Sizun au XVIIe siècle.
De 1589 à 1597, les
guerres de la Ligue verront Pont-Croix pillée et une partie de ses habitants,
retranchés dans la tour imprenable de l'église, exécutée par les soldats
de Guy Eyder de La Fontenelle, malgré l'engagement de celui-ci de leur
laisser la vie sauve... Moins grave que la destruction quasi totale de
Penmarc'h, les ravages du Cap-Sizun n'incitent cependant pas à croire
en la protection divine, et on voit apparaître des pratiques superstitieuses,
voire diaboliques. Michel Le Nobletz, originaire d'une famille riche du
Léon, viendra réévangéliser le Cap-Sizun, depuis Ploaré à côté de Douarnenez
où il s'est installé et passera 22 ans. En 1615, sa tentative d'évangélisation
des paroissiens d'Audierne est un demi-échec, les hommes du monde de la
mer refusant de suivre les prêches du "beleg fol" (prêtre fou)...
Julien Maunoir, originaire de Haute-Bretagne, ayant appris le breton par miracle, passe au niveau supérieur, s'appuyant sur les congrégations et
mettant au travail une force de plusieurs dizaines de religieux pour réaliser 439 missions en 30 ans, dont au moins une chaque année au Cap-Sizun.
La lecture de l'ouvrage "Malleus maleficarum" (le marteau des sorcières) de l'Inquisition lui
permit de préparer la chasse aux superstitions et pratiques idôlatres ; il reçut des appuis importants, comme celui de Nicolas Le Saluden, seigneur
de Kerazan et de Trémaria, mécréant notoire converti par une vision divine, qui devint un prêcheur convaincu et efficace... Vincent du Ménez, seigneur
de Lézurec (près de Saint-Tugen en Plomelin) fut aussi un acteur important du renouveau religieux.
L'extension des congrégations vit se créer le couvent des Ursulines à Pont-Croix (qui devint par la suite le petit séminaire) et le couvent
des Capucins à Audierne. Ces derniers eurent un rôle d'enseignement important (dont l'école d'hydrographie)...
Nota : on trouvera sur le site internet http://www.lezurec.com/
une présentation (en anglais) du manoir de Lézurec par son propriétaire actuel, avec quelques légendes, dont l'existence
d'un souterrain qui conduisait à la chapelle de Saint-Tugen.
(visite
du Cap-Sizun l'après-midi)
Le peintre Jean-Pierre Velly (vendredi soir)
Graveur - dessinateur - peintre (né à Audierne en 1943 - décédé
accidentellement en Italie, à Trevignano, 1990) - Prix de Rome en 1966.
Mme Fontaine (Anne-Marie Velly, sa soeur), fait une présentation
de son oeuvre avec des projections d'images et des textes poétiques.
Sa présentation de
l'oeuvre de Jean-Pierre Velly n'a laissé personne indifférent. Doué d'un
talent artistique indéniable, le graveur a créé une oeuvre percutante,
associant des représentations humaines expressives à un monde surprenant,
où le minéral et le végétal côtoient des produits issus de notre civilisation
industrielle, tuyaux métalliques coupés, briques aux formes diverses...
des représentations qui vont jusqu'à la fusion du naturel et de l'artificiel,
créant un monde irréel où la civilisation voulue par l'homme semble accéder
à un développement autonome échappant à son contrôle, jusqu'à l'intrusion
finale dans son propre corps, d'où sortent des tuyaux sectionnés au rôle
délétère. La nature transformée paraît animée par des rêves où l'imaginaire
produit des visions d'êtres virtuels peut-être malfaisants ; un monde
étrange et inquiétant, dont on voudrait ne retenir que les plus belles
représentations du corps humain au naturel...
L'Association des amis de Jean-Pierre Velly a un site internet :
http://www.velly.org/
On pourra découvrir sur ce site internet toutes les oeuvres présentées
par Anne-Marie Velly.
Arts et Lettres (samedi matin)
Michel Colleu - La revue Chasse-Marée :
http://www.chasse-maree.com
Cette revue, basée à Douarnenez, a été fondée en 1981, par un groupe de personnes soucieuses
de préserver la mémoire du patrimoine maritime breton. Les années 50 avaient vu la disparition de la voile de travail, et l'apparition de la la voile
de plaisance. Parmi les fondateurs, Bernard Cadoret, aujourd'hui rédacteur en chef, et le groupe de réflexion constitué menèrent des enquêtes auprès
des marins, recueillant des témoignages, rassemblant des documents et des photographies, d'où un important travail d'archivage, y compris des
plans et des instructions pratiques de réalisation. Les voiliers de travail n'existent plus aujourd'hui, mais certains ont pu être reconstitués, et
l'association apporte une aide efficace à la restauration de bateaux.
Cette véritable entreprise culturelle s'est fixé trois objectifs sur l'histoire maritime : la revue, la publication d'ouvrages de fond, les fêtes maritimes
(dont la première a eu lieu à Brest en 1982)...
La revue dispose de 11.000 abonnés, vend 5.000 numéros en kiosque, publie 9 numéros par an ; de plus, l'ensemble des numéros depuis l'origine est
disponible à la vente. La revue Ar Men a été ajoutée en 1986 pour fournir des sources à la culture bretonne (langue, chant, musique...) ; une revue
maritime en anglais a aussi été créée. La publication de plusieurs thèses illustrées a été assurée.
Aujourd'hui, il est plus difficile de publier des ouvrages de fond : le marché demande des livres plus accessibles à des prix abordables ; ceci
a entraîné la reprise du "Chasse Marée" par les éditions Glenat de Grenoble
(sauf Ar Men, reprise par les éditions
Fitamant ).
A signaler que la revue Ar Men fête ses vingt ans cette année : http://www.armen.net/
.
Sylvie
Blottière-Derrien - René Quillivic, scupteur breton
René Quillivic
est né en 1879 à Plouhinec, où son père était
marin et charpentier. Ses origines font que son oeuvre de sculpteur est
très présente au Cap Sizun et au pays Bigouden. Il apprit
le métier de marin, et c'est dans l'atelier de charpentier de son
père qu'il fit ses débuts en scupture ; naturellement doué,
il suit une formation à l'école des Beaux-Arts de Paris
de 1903 à 1908. La jeune bigoudène du musée de Quimper
date de 1903 ; en 1907 il réalise la brodeuse en bronze du musée
de Quimper (achetée à l'époque par Rothschild), puis
le couple de sonneurs de Plozévet (qu'il faut admirer à
hauteur d'homme, alors qu'aujourd'hui le groupe est sur une stèle
haute !). Il reçoit une bourse de voyage qui lui permet de parcourir
la France et de parfaire son style. Il sculpte la fumeuse du musée
de Quimper, et participe au salon des artistes français en 1913.
Appelé au front à la guerre 14-18, il est malade, et se
voit confier le rôle de mouleur de prothèses. Au retour de
la guerre, il travaille dans l'atelier de Bartholomé, et participe
au chantier de Pont-Scorff dans le Morbihan. La demande importante de
monuments en mémoire des morts de la guerre lui assure plusieurs
années de travail ; il cherche à imposer son style de représenter
quelqu'un qui a souffert, ou ceux qui sont restés au pays (mère,
veuve...). C'est au moins 20 monuments qu'il a réalisé dans
le Finistère (Guiclan, Saint-Pol, Roscoff, Carhaix, Fouesnant,
Plouhinec, Plozévet, Pont-Croix, pont de Plougastel, ...), mais
aussi dans les Côtes-d'Armor et le Morbihan (Pleumeur-Bodou, Loudéac,
Pontivy, Pont-Scorff, ...). Il est l'auteur du buste de Prosper Proux
à Guerlesquin.
Il représenta sa mère sur le monument de Plouhinec, et une
jeune cousine lui servit aussi de modèle à plusieurs reprises.
Il aura aussi une activité de peinture, et de céramique
chez Henriot (dont un plat à poisson, un dessous de plat, ...),
ainsi qu'un peu de gravure sur bois.
Il participa à plusieurs expositions à Paris, dont une personnelle
en 1926. A l'atelier où il a travaillé à Paris rue
Montmorency, on peut encore voir des poignées de portes sculptées
par lui qui représentent des petites filles. René Quillivic
fut un artiste très adulé de son vivant. Il décéda
en 1969 à Paris.
On pourra consulter
sur René Quillivic : http://fr.wikipedia.org/wiki/René_Quillivic
A la découverte des hauts lieux de mémoire : http://www.cheminsdememoire.gouv.fr/page/affichegh.php?idGH=133&idLang=fr
Informations biographiques et bibliographiques de Sylvie Blottière-Derrien
à http://www.arbre-de-lune.fr/Diffusion/lesaec/expo-5.htm
Margot
Bruyère - Laënnec médecin breton : http://www.margot-bruyere.fr/
Petit homme énergique et infatigable, René Théophile Laënnec est né à Quimper en 1781.
De santé précaire, il ne vécut que 46 ans, emporté par la tuberculose qu'il aura si bien contribué à soigner. A la mort de sa mère, sa jeunesse
se déroule essentiellement chez son oncle recteur d'Elliant, puis chez un autre oncle, Guillaume Laënnec, recteur de l'université de Nantes et
directeur de l'école de médecine. Elève brillant, il fit ses études de médecine supérieure à Paris (avec Corvisart et Bayle
comme professeurs) et entama une carrière courte mais illustre. En 1816, il est chef de service à l'hôpital Necker, et assure des fonctions de
professeur à l'université. La même année, il met au point le stéthoscope, après avoir observé des enfants écoutant des sons dans un tuyau. Ami de
Châteaubriand, il avait aussi des inimitiés, comme Broussais, redoutable concurrent dans le domaine de la médecine. En 1819, il écrit le "traité
d'auscultation", ouvrage par la suite réédité, et encore aujourd'hui reconnu comme incontournable.
Il revenait souvent en Bretagne, dans sa propriété de Kerlouarnec à Ploaré, près de Douarnenez, faisant de longues marches dans les environs. Il avait
aussi beaucoup de dons manuels, depuis la menuiserie (il avait réalisé lui-même l'escalier de sa maison) jusqu'au dessin (dont un autoportrait)
et l'écriture (bretonnant aimant la langue bretonne, il avait écrit un traité sur "La guerre des Vénètes"). Devenu propriétaire de plusieurs
domaines, c'était aussi un agronome soucieux du progrès agricole, et il s'entretenait souvent avec ses fermiers au cours de ses longues marches.
Décédé en Bretagne où il avait dû se retirer précocement, il fut inhumé
à Ploaré. Une statue le représente à Quimper.
On pourra consulter sur René-Théophile-Hyacinthe Laënnec les pages suivantes sur internet :
http://fr.wikipedia.org/wiki/René_Laennec ,
http://www.medarus.org/Medecins/MedecinsTextes/laennec.html
On trouvera son "traité de l'auscultation médiate"
sur le site de la bibliothèque nationale de France : http://gallica.bnf.fr
Sur le site de Margot Bruyère
on pourra trouver la liste de ses romans, dont quatre pour la jeunesse.
Yves
de Boisanger - Saint Ronan et la troménie de Locronan
Yves de Boisanger
nous emmène hors du Cap-Sizun, au pays de saint Ronan à
Locronan, où se déroule chaque année une petite "troménie"
et tous les six ans une grande. C'est à partir des recherches de
Donatien Laurent présentées en 1989 à un colloque
qu'il nous fait découvrir les origines de cette troménie,
parcours sacré dans la campagne, par monts et par vaux, où
l'examen des points de repère remarquables hébergeant les
oratoires permet de reconstituer un rectangle : ses diagonales ont des
alignements sur des phases remarquables du cycle solaire annuel (lever
du 1er août et 1er novembre, coucher du 1er mai et 1er février).
Les solstices fournissent d'autres alignements remarquables. Autour de
ces points de repères sacrés, le trajet de la troménie
est très sinueux pour aller d'un point à un autre, ne rappellant
un rectangle que très imparfaitement. Ce parcours initiatique passant
par la forêt de Nevet remonte à l'époque gauloise,
où le "nemeton" était un bois sacré. Il
y a sans doute une évidente récupération de pratiques
druidiques par l'église celtique (maintien de coutumes locales
ou de symboles préexistants). Peut-être y a-t-il un lien
avec la controverse sur la date de Pâques et le souci de maintenir
une certaine continuité dans les traditions religieuses.
Saint Ronan est supposé avoir quitté Locronan après
ses démélés avec la Keben, et être allé
jusqu'à Hillion près de Saint-Brieuc, où le village
de Saint-Renan est devenu Saint-René sous l'influence d'un évêque
du XVIIe siècle.
Bibliographie : Donatien Laurent, « La troménie de Locronan : Rite, espace et temps sacré », in
"Saint Ronan et la Troménie : Actes du colloque international", 28-30 avril 1989, Brest, Locronan
Pour en savoir plus sur internet : http://fr.wikipedia.org/wiki/Troménie
, http://fr.wikipedia.org/wiki/Locronan
Laurent
Barreau - Le Cap-Sizun, inspirateur des peintres
Professeur de l'histoire
de l'art à Douarnenez, Laurent Barreau nous a fait découvrir
le travail des peintres dans les paysages du Cap-Sizun. Jusqu'en 1850,
ceux-ci étaient soumis à deux contraintes : ils devaient
donner du sens à leur oeuvre en reconfigurant les paysages, et
ils étaient bloqués par le transport des fragiles pots de
peinture...
L'invention du tube en 1850 permet au peintre de composer directement
sur le paysage, et de représenter ce qu'il voit en quittant l'atelier.
A partir de 1870, il ne faut plus qu'un jour pour aller de Paris à
Quimper, et nombreux sont les peintres qui choisissent le Cap-Sizun pour
peindre des paysages. En 1894, un train à voie métrique
relie Audierne à Douarnenez. Les artistes se succèdent au
cours des ans, dont Laurent Barreau nous présente quelques tableaux
:
Jules Noël, Yann d'Argent (peintre symboliste), Mathurin Méheut,
Léopold Survage (cubisme au Cap), Eugène Sévellec,
Jean Le Merdy (muretins de l'île de Sein), Emmanuel Lancien (la
Pointe du Raz), Maxime Maufrat, Charles Cottet (baie des Trépassés
au crépuscule), Jean-Georges Cornélius, Henri Moret (enfer
de Plogoff), André Docher (pointe de Brézellec), Henri Matisse
(gardienne de cochons à Beuzec), Lionel Floch (collégiale
de Pont-Croix), René Quéré (Pors-Poullan), Henri
Monnier (les frères Kerisy, marins d'Audierne), Lucien Simon (scènes
de bord de mer), Paul Signac (dessins d'étude sur le port d'Audierne),
René Quillivic (penture poétique), Albert Marquet (voiles
rouges à Audierne), Bernard Buffet (beaucoup de paysages d'Audierne,
avec des thoniers). "La lunière bretonne tamisée, où
les horizons se fondent, procure de la profondeur et de la clarté"
(Yves Tanguy).
Vies
économique et maritime (samedi après-midi)
Bernard
Maillard - L'enjeu énergétique pour la Bretagne
Délégué
régional d' EDF, Bernard Maillard a présenté les
enjeux énergétiques pour la Bretagne dans le contexte européen
actuel ; l'électricité est une énergie qui ne se
stocke toujours pas massivement, ce qui implique un flux tendu permanent,
un marché en temps réel, avec un produit qui se négocie
"en pointe et en ruban". L'Europe et ses 450 millions d'habitants
est désormais l'espace d'action, où tous les marchés
seront ouverts au 1er juillet 2007. Ceci fournit un large périmètre
d'interconnexion, étendu au Maghreb depuis 1997. Le tarif public
pour tous style timbre-poste doit rester indépendant de la distance
parcourue. Les taxes associées financent les énergies renouvelables.
Les installations de production énergétique sont prévues
pour durer plusieurs dizaines d'années, comme le barrage hydroélectrique
de la Rance, qui a déjà 40 ans. Le réacteur nucléaire
type EPR de Flamanville est prévu pour servir 60 ans. Pourtant,
il faut savoir investir pour devancer la croissance permanente de la consommation.
La répartition actuelle des sources d'approvisionnement en Europe
se fait pour 54% en énergies fossiles (charbon, gaz, ...), 30%
en nucléaire et 16% en renouvelable (dont hydroélectrique).
Le nucléaire reste incontournable dans un contexte où les
biocarburants ne sauraient même assurer la relève du pétrole
en voie d'épuisement.
La région Bretagne ne produit que 5% de sa consommation, qu'elle
complète avec l'apport de la centrale nucléaire de Flamanville
dans la Manche. Le ralentissement de la croissance fait prévoir
une augmentation moyenne de 1% par an vers 2020-2030, ce qui demande un
investissement de 700 milliards d'euros (au niveau français ?),
dont 100 milliards pour le gaz.
L'épuisement des ressources nous fait entrer dans une période
d'incertitudes ; 1 milliard de tonnes de charbon brûlé chaque
année génère des émissions importantes de
CO2, ce qui impose de réguler les demandes d'énergie fossile.
Le solaire reste encore cher à produire. L'énergie éolienne
se développe en Bretagne (comme les 8 éoliennes de Goulien)
avec un fort potentiel (30% d'énergie renouvelable prévu
à terme).
Le nucléaire doit être accepté parce qu'il est économiquement
rentable (46 € le mégawatt-heure produit à Flamanville).
Le traitement des déchets reste un sujet important, auquel la déconstruction
de Brennilis apporte des informations utiles. Les rayonnements résiduels
des déchets radioactifs ne sont pas supérieurs à
la radioactivité naturelle des massifs granitiques.
Dans l'avenir, les centrales trigénération et les énergies
naturelles (éolienne, hydrolienne - courants marins, solaire...)
permettent d'envisager le MWh à un prix entre 50 et 60 €.
La recherche sur les moyens de stockage électrochimique (piles
lithium, polymères...) doit s'intensifier.
Nota webmestre : le nucléaire ne laisse personne indifférent,
malgré les affirmations que les risques d'accidents sont négligeables.
L'improbable s'est produit à Tchernobyl il y a 20 ans, et les conséquences
n'en sont pas encore clairement perceptibles en termes de santé
et de longévité pour la population proche (dans un rayon
de 250 km). La volonté du monde nucléaire de faire admettre
comme satisfaisants des niveaux de pollution radioactive du même
ordre que celui de la radioactivité naturelle n'est-elle pas une
tendance à vouloir faire admettre qu'il faudra dans l'avenir apprendre
à vivre avec la radioactivité ?
Autre réflexion, il semble qu'aujourd'hui la France développe
l'énergie éolienne en se procurant à l'étranger
des équipements qu'elle n'a pas voulu produire, assumant ainsi
une dépendance de fait ?

Eoliennes de Goulien
Jacques
Bullier - Du naufrageur au rail d'Ouessant, ou les difficultés de la navigation
en Iroise
L'exposé du
capitaine de vaisseau Jacques Bullier a débuté par un rappel
des actions des naufrageurs, que des récits surréalistes
ont amplifiées jusqu'au statut de coutumes ancestrales, quand il
était peut-être plus naturel de parler de pilleurs d'épaves
et de récupérateurs opportunistes ; la coutume (dite droit
de "lagan" dans le Léon) admettait que toute marchandise
apportée par les flots au rivage appartenait au découvreur.
La façade maritime entre la pointe du Raz et la pointe Saint-Mathieu
a toujours été reconnue dangereuse pour la navigation, avec
des mesures de protection et de prévention appropriées :
surveillance permanente par une frégate puis par les radars du
Cross-Corsen, mesures pour éviter les collisions en éloignant
les navires ; et toujours en arrière-plan la hantise de marée
noire qui a laissé déjà de tristes souvenirs.
Que faire en cas de danger en mer ? Fuir ou faire face ? Cela dépend
de la situation par rapport à la côte, dont l'approche est
dangereuse par gros temps. En cas d'avaries, les secours sont indispensables
(lire "Remorques" de Roger Vercel, où le monstre d'acier
libère la puissance de ses moteurs quoi qu'il arrive...).
Les systèmes de positionnement sont aujourd'hui incontournables
: après le défunt "system control", le GPS est
aujourd'hui l'outil vedette, et le système Galiléo bientôt
disponible nous libérera de la dépendance américaine.
La connaissance des marées, des courants et de l'état de
la mer complète les informations indispensables à une navigation
à moindres risques, en évitant d'invoquer des principes
de précaution trop absolus.
Michel
Beaugé - La construction du phare d'Ar Men
Arrière petit-neveu
de Victor Lacroix, né en 1820, qui a dirigé la construction
du phare d'Ar Men, Michel Beaugé nous a fait revivre les étapes
de la réalisation de 1867 à 1881 à partir des notes
de son arrière grand-oncle. Au début du XIXe siècle,
vers 1825, l'éclairage maritime n'était assuré auprès
de l'île de Sein que par le phare de la pointe du Raz et un second
sur l'île ; la chaussée de Sein, extrêmement dangereuse,
n'était pas signalée. C'est en 1860 que l'on décida
d'y construire un grand phare, en choisissant un récif qui émergeait
de 1,5 m au-dessus des plus bas niveaux de la mer et présentait
une surface utile de 12 à 15 m de long sur 7 à 8 m de large.
Il fallut d'abord percer des trous d'ancrage de 30 cm de profondeur, et
araser les aspérités gênantes de la roche. Ceci ne
put se faire au départ que par les plus basses marées, une
vingtaine de minutes à chaque fois. Le percement de ces trous tous
les mètres se fit donc sur plusieurs années. En 1868, 40
trous furent réalisés et des barres de fer furent scellées
; on put ensuite procéder à la maçonnerie de la base
du phare, le temps de travail augmentant à chaque fois (sauf conditions
météo défavorables). Ainsi 1872 fut une année
favorable, et 1875 permit 115 heures de travail : on atteignait alors
5 à 6 m au-dessus du niveau des hautes mers.
1880 vit la fin des travaux de gros oeuvre, et le 30 août 1881 à
minuit, le système d'éclairage du phare par huile minérale
fut mis en route.
Pour en savoir plus sur Ar Men et les phares du Cap-Sizun :
http://phares.capsizun.com/phare_ar_men.htm
Gilles Bernard
- les activités maritimes dans le Cap-Sizun, leurs perspectives d'avenir
Les vingt dernières
années, le port d'Audierne a su conserver la taille de son activité
maritime ; contrairement à Douarnenez, où elle a périclité
au point de disparaître quasiment entièrement. Aujourd'hui
à Audierne, il reste une cinquantaine de bateaux, et 150 marins.
Il existe deux types principaux de bateaux, les fileyeurs et les ligneurs,
20 à 25 unités de chaque type.
Les fileyeurs font de la pêche au moyen de filets à grosses
mailles (60 cm) qui restent trois jours dans l'eau. Les prises sont des
gros poissons, lotte, barbue, saint-pierre, turbot, et aussi homard et
langouste. La relève (6 km de filets) se fait chaque nuit, entre
2 et 5 heures. Ceci permet de livrer au plus vite les centres de commercialisation
éloignés comme Bruxelles ou Lyon. Les filets ne font pas
de dégâts sur les fonds, ne prennent pas de petits poissons,
et les captures accidentelles de cétacés ou de phoques sont
exceptionnelles (1 par an en moyenne) ; l'usage de répulsifs pour
ces animaux n'est donc pas à recommander. Les fileyeurs font en
moyenne 10, 50 m de long, et ont un "château" de protection
des pêcheurs à l'arrière.
Les ligneurs sont de taille plus courte (8,50 m en moyenne) mais ont une
forte puissance de moteur (450 chevaux) ; ils opèrent essentiellement
sur la chaussée de Sein, où les courants sont propices au
bar de ligne.
Les bateaux de moins de 25 m sont dans le segment de la petite pêche,
et reviennent chaque jour au port.
Le contexte de cette petite pêche a connu des changements très
rapides : en 1960 il y avait une flotte de 40 thoniers germons ; en 1980,
le développement d'une nouvelle flotille performante entraîna
la disparition de nombreux petits bateaux ; en 1990 fut lancé un
nouveau plan de sortie de flotte pour les petits bateaux.
Les activités de pêche apportent un souci permanent de risque
de surpêche par des bateaux trop nombreux ou trop performants ;
le pêcheur est un cueilleur, dans une ressource qu'il ne maîtrise
pas : il doit donc y avoir une surveillance des stocks disponibles. Ainsi
le bar est pêché à hauteur de 10.000 tonnes par an,
répartis à parts égales entre professionnels et pêche
de loisir. Si on améliore les techniques de pêche sur une
ressource qui n'augmente pas, on risque donc d'épuiser cette ressource
; ceci reste vrai si un seul intervenant améliore sa productivité,
il accroîtra sa part de pêche au détriment des autres
intervenants ; il y a donc un équilibre à maîtriser,
pour assurer une gestion durable de la ressource et garantir un partage
équitable du gâteau.
La consommation du bar est intéressante à étudier
: elle se fait de 40 à 60% hors foyer, 30% familliale et 10% festive
; les restaurateurs garantissent la traçabilité du produit.
L'attente du client se fait sur le plaisir avant la diététique
et la sécurité alimentaire. Il faut savoir que le bar est
produit à 90% en aquaculture aujourd'hui ; pourtant, le consommateur
préfère le bar de ligne, plus cher : pourquoi ? Malgré
son prix (2 à 3 fois plus cher), il y a accord sur un plaisir objectif
sensoriel lié à la perception en bouche et un plaisir subjectif
lié à la perspective d'évocation du produit (le bar
de ligne pêché en mer).
Il est donc important d'utiliser le "territoire" (i.e. le Cap-Sizun)
comme instance "communicante" ; les médias sont capables
de répondre très rapidement à une campagne promotionelle
adaptée, et les pêcheurs pourront surfer sur l'image du produit.
Cet objectif a donc conduit à la création d'un site web,
celui de l'association des ligneurs de la pointe de Bretagne : http://www.pointe-de-bretagne.fr/
que l'on pourra consulter, et où tout acheteur de produit étiqueté
pourra s'informer sur le bateau, son patron, son lieu de pêche en
donnant le numéro de son étiquette.

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