Synthèse des exposés du Congrès d'Audierne - les 23 et 24 juin 2006

( en cours de réalisation)

Le congrès de juin 2006 à Audierne a accueilli plus de 240 participants, dont une assistance moyenne de 160 personnes aux exposés qui ont eu lieu au cinéma Le Goyen près du port.

En introduction le vendredi matin, Jean-Paul Coatmeur, maire d'Audierne, nous a rappelé brièvement l'histoire d'Audierne, liée au milieu maritime : pêche à Terre-Neuve, école d'hydrographie...
A l'apogée de la pêche bretonne, Audierne a compté 19 conserveries et 500 barques de pêche embarquant 1500 marins. Les conserveries ont traité aussi bien des sardines et des maquereaux que des produits de l'agriculture comme les petits pois et les haricots verts. Audierne dispose encore des plus grands viviers d'Europe pour le homard et la langouste. Les inscrits maritimes ont compté jusqu'à 1629 marins de commerce et 1132 marins pêcheurs. Si Audierne a été le port langoustier du Caz-Sizun, ce n'est plus l'activité principale aujourd'hui ; et on ne compte plus que 400 inscrits maritimes, répartis pour moitié entre commerce et pêche.
Aujourd'hui le tourisme se développe fortement, avec des groupes résidentiels comme Pierre et Vacances, qui réoccupent avantageusement les emplacements d'anciennes conserveries.
Le site web d'Audierne : http://www.audierne.fr/

Le maire de Mahalon, Bernard Le Gall, nous a présenté le contexte du Cap-Sizun, dont il est président de la communauté de communes : 11 communes plus l'île de Sein en font partie. Le bilan démographique actuel n'est pas excellent : plus de 40% de la population a plus de 60 ans (contre 25% en France), et 2000 Capistes ont plus de 75 ans (soit 14% contre 7% en France) ; et 16% seulement des habitants a moins de 20 ans (contre 25% en France). Le territoire du Cap-Sizun est donc en pleine mutation et cherche à être attractif : ainsi, le foncier reste plus accessible que dans les grandes villes et leurs périphéries. Le contournement nord-ouest de Quimper sera utile au développement de la région, qui compte actuellement 500 logements en projet ou en construction.
La population active est de 5500 personnes, dont plus de 1000 travaillent à Quimper et Douarnenez. Il y a aujourd'hui 600 agriculteurs et 300 pêcheurs, 550 entreprises de commerce et artisanat. Le tourisme est un enjeu majeur de l'avenir, et accueille plus de 800.000 personnes par an. L'accueil en camping-car est aujourd'hui le premier de Bretagne. Basés sur un patrimoine d'exception, des circuits thématiques font découvrir le Cap-Sizun, qui réserve bien des découvertes à ses hôtes.
Un patrimoine à découvrir sur http://www.capsizun.com/ , http://www.audierne.info

Le Cap-Sizun, à la pointe sud-ouest du Finistère, regroupe les communes de : Audierne, Beuzec-Cap-Sizun, Cleden-Cap-Sizun, Confort-Meilars, Esquibien, Goulien, Mahalon, Plogoff, Plouhinec, Pont-Croix, Primelin et l'Ile de Sein.

Histoire et archéologie (vendredi matin)

Michel Le Goffic - Aperçu de la préhistoire et de l'archéologie

Michel Le Goffic, responsable du service d'archéologie du Finistère, nous a fait parcourir l'historique des découvertes archéologiques aux XIXe et XXe siècles : le chanoine Moreau (Moguer Créguy) ; Le Chevalier de Fréminville (qui décrit de nombreux monuments dont certains ont aujourd'hui disparu (le dolmen de Sein, que les Allemands ont fait sauté pendant la guerre, le menhir de la pointe du Raz) ; Le Men, qui réalisa un inventaire des sites archéologiques, dont la description des éperons barrés de Castel-Meur et Castel-Coz ; Hyacinthe Le Carguet, qui décrivit dans le bulletin de la Société Archéologique du Finistère le site de la pointe du Souc'h en Plouhinec ; Paul du Châtelier et la création du groupe d'études historiques qui fut à l'origine du musée de Penmarc'h. Les fouilles de Kersignaux...

Les falaises du Cap-Sizun sont plus ou moins abruptes, et comportent de nombreuse failles, à l'origine de grottes qui ont procuré des abris aux populations préhistoriques. Ainsi le site de Ménez Dregan a fourni de nombreux débris et objets (galets éclatés, choppers...) datant de 450.000 à 380.000 avant JC ; les zones rubéifiées montrent l'usage du feu pour se chauffer et se nourrir. Mais les ossements se conservent très mal dans les sols bretons humides et acides : une dent d'éléphant trouvée sur le site est donc un objet exceptionnel.
Entre 350.000 et 10.000 avant JC, le niveau de la mer remonta de plusieurs dizaines de mètres, déplaçant les populations du rivage. De - 8000 à - 5000, de nombreux sites comme le Souc'h à Plouhinec ont fourni jusqu'à 16.000 objets du Mésolithique.

Au Néolithique, la mer est encore à cinq mètres en-dessous du niveau actuel ; de nombreux dolmens existent le long de la côte. Le site du Souc'h a livré une tombe datant de - 4500. Les fouilles du site se poursuivent, et seront terminées en juillet 2006 pour le cairn septentrional. Il s'agit d'un site complexe, avec de nombreuses sépultures mégalithiques collectives.
L'allée couverte de Pors-Poulhan à Plouhinec a donné lieu à un travail de restauration complète (le monument avait sauté pendant la guerre sur ordre des Allemands).
L'âge du bronze s'est révélé très riche à Plouhinec (tumulus, coffres...) ; l'âge du fer montre un riche mobilier réparti sur tout le Cap-Sizun, à l'exception de Plouhinec. On trouve des ossariums (fûts de pierre évidés pour contenir cendres et ossements, et recouverts d'une couronne), surtout à Esquibien. Ils sont caractéristiques du Cap-Sizun, et on n'en trouve pas ailleurs dans le Finistère.

Serge Duigou - La vie maritime au Cap-Sizun du XVe au XVIIIe siècle.

Au XVe siècle, les pêcheurs du Cap ramènent dans leurs barques du merlu, du congre, de la julienne, qu'ils pêchent près des côtes de Pâques à la Saint-Michel (voire jusqu'à la Toussaint).
Notons l'existence du fief du Quemenet, appartenant aux Rohan, faisant un arc-de-cercle de Penhars jusqu'à Plouhinec, et apportant ainsi une certaine richesse grâce à la pêche.
Le poisson est ensuite traité par des sècheries et des saleries, et vendu jusqu'à Bordeaux et La Rochelle ; en retour, les bateaux ramènent des barriques de vin. En 1453, la bataille de Castillon met fin à la guerre de Cent Ans, ce qui permet au commerce maritime de se développer. Le bateau type d'Audierne est alors la carvelle, d'au plus 60 tonneaux. Mais on peut trouver ailleurs des caraques et autres navires plus gros.
Les navires bretons montent jusqu'aux Flandres (avant-ports d'Anvers et de Bruges) et en Ecosse (Leith), vont aussi en Irlande, descendent à Cadix et Séville (sans rentrer en Méditerranée). La façade atlantique devient le monde du commerce maritime breton, qui fait l'essentiel du trafic. Le commerce du pastel (teinture bleue) se fait surtout par la flotte de Penmarc'h, qui est majoritaire à Bordeaux ; mais à la fin du XVIe siècle, Audierne finit par s'y imposer. Pourtant, au XVIIe siècle, les Flandres et l'Angleterre construisent leurs propres flottes de commerce, et c'est le début du déclin pour les ports bretons.

Paul Cornec - Le renouveau spirituel dans le Cap-Sizun au XVIIe siècle.

De 1589 à 1597, les guerres de la Ligue verront Pont-Croix pillée et une partie de ses habitants, retranchés dans la tour imprenable de l'église, exécutée par les soldats de Guy Eyder de La Fontenelle, malgré l'engagement de celui-ci de leur laisser la vie sauve... Moins grave que la destruction quasi totale de Penmarc'h, les ravages du Cap-Sizun n'incitent cependant pas à croire en la protection divine, et on voit apparaître des pratiques superstitieuses, voire diaboliques. Michel Le Nobletz, originaire d'une famille riche du Léon, viendra réévangéliser le Cap-Sizun, depuis Ploaré à côté de Douarnenez où il s'est installé et passera 22 ans. En 1615, sa tentative d'évangélisation des paroissiens d'Audierne est un demi-échec, les hommes du monde de la mer refusant de suivre les prêches du "beleg fol" (prêtre fou)...
Julien Maunoir, originaire de Haute-Bretagne, ayant appris le breton par miracle, passe au niveau supérieur, s'appuyant sur les congrégations et mettant au travail une force de plusieurs dizaines de religieux pour réaliser 439 missions en 30 ans, dont au moins une chaque année au Cap-Sizun.
La lecture de l'ouvrage "Malleus maleficarum" (le marteau des sorcières) de l'Inquisition lui permit de préparer la chasse aux superstitions et pratiques idôlatres ; il reçut des appuis importants, comme celui de Nicolas Le Saluden, seigneur de Kerazan et de Trémaria, mécréant notoire converti par une vision divine, qui devint un prêcheur convaincu et efficace... Vincent du Ménez, seigneur de Lézurec (près de Saint-Tugen en Plomelin) fut aussi un acteur important du renouveau religieux.
L'extension des congrégations vit se créer le couvent des Ursulines à Pont-Croix (qui devint par la suite le petit séminaire) et le couvent des Capucins à Audierne. Ces derniers eurent un rôle d'enseignement important (dont l'école d'hydrographie)...

Nota : on trouvera sur le site internet http://www.lezurec.com/ une présentation (en anglais) du manoir de Lézurec par son propriétaire actuel, avec quelques légendes, dont l'existence d'un souterrain qui conduisait à la chapelle de Saint-Tugen.

(visite du Cap-Sizun l'après-midi)

Le peintre Jean-Pierre Velly (vendredi soir)

Graveur - dessinateur - peintre (né à Audierne en 1943 - décédé accidentellement en Italie, à Trevignano, 1990) - Prix de Rome en 1966.
Mme Fontaine (Anne-Marie Velly, sa soeur), fait une présentation de son oeuvre avec des projections d'images et des textes poétiques.

Sa présentation de l'oeuvre de Jean-Pierre Velly n'a laissé personne indifférent. Doué d'un talent artistique indéniable, le graveur a créé une oeuvre percutante, associant des représentations humaines expressives à un monde surprenant, où le minéral et le végétal côtoient des produits issus de notre civilisation industrielle, tuyaux métalliques coupés, briques aux formes diverses... des représentations qui vont jusqu'à la fusion du naturel et de l'artificiel, créant un monde irréel où la civilisation voulue par l'homme semble accéder à un développement autonome échappant à son contrôle, jusqu'à l'intrusion finale dans son propre corps, d'où sortent des tuyaux sectionnés au rôle délétère. La nature transformée paraît animée par des rêves où l'imaginaire produit des visions d'êtres virtuels peut-être malfaisants ; un monde étrange et inquiétant, dont on voudrait ne retenir que les plus belles représentations du corps humain au naturel...

L'Association des amis de Jean-Pierre Velly a un site internet : http://www.velly.org/
On pourra découvrir sur ce site internet toutes les oeuvres présentées par Anne-Marie Velly.

Arts et Lettres (samedi matin)

Michel Colleu - La revue Chasse-Marée : http://www.chasse-maree.com

Cette revue, basée à Douarnenez, a été fondée en 1981, par un groupe de personnes soucieuses de préserver la mémoire du patrimoine maritime breton. Les années 50 avaient vu la disparition de la voile de travail, et l'apparition de la la voile de plaisance. Parmi les fondateurs, Bernard Cadoret, aujourd'hui rédacteur en chef, et le groupe de réflexion constitué menèrent des enquêtes auprès des marins, recueillant des témoignages, rassemblant des documents et des photographies, d'où un important travail d'archivage, y compris des plans et des instructions pratiques de réalisation. Les voiliers de travail n'existent plus aujourd'hui, mais certains ont pu être reconstitués, et l'association apporte une aide efficace à la restauration de bateaux.
Cette véritable entreprise culturelle s'est fixé trois objectifs sur l'histoire maritime : la revue, la publication d'ouvrages de fond, les fêtes maritimes (dont la première a eu lieu à Brest en 1982)...
La revue dispose de 11.000 abonnés, vend 5.000 numéros en kiosque, publie 9 numéros par an ; de plus, l'ensemble des numéros depuis l'origine est disponible à la vente. La revue Ar Men a été ajoutée en 1986 pour fournir des sources à la culture bretonne (langue, chant, musique...) ; une revue maritime en anglais a aussi été créée. La publication de plusieurs thèses illustrées a été assurée.
Aujourd'hui, il est plus difficile de publier des ouvrages de fond : le marché demande des livres plus accessibles à des prix abordables ; ceci a entraîné la reprise du "Chasse Marée" par les éditions Glenat de Grenoble (sauf Ar Men, reprise par les éditions Fitamant ).
A signaler que la revue Ar Men fête ses vingt ans cette année : http://www.armen.net/ .

 

Sylvie Blottière-Derrien - René Quillivic, scupteur breton

René Quillivic est né en 1879 à Plouhinec, où son père était marin et charpentier. Ses origines font que son oeuvre de sculpteur est très présente au Cap Sizun et au pays Bigouden. Il apprit le métier de marin, et c'est dans l'atelier de charpentier de son père qu'il fit ses débuts en scupture ; naturellement doué, il suit une formation à l'école des Beaux-Arts de Paris de 1903 à 1908. La jeune bigoudène du musée de Quimper date de 1903 ; en 1907 il réalise la brodeuse en bronze du musée de Quimper (achetée à l'époque par Rothschild), puis le couple de sonneurs de Plozévet (qu'il faut admirer à hauteur d'homme, alors qu'aujourd'hui le groupe est sur une stèle haute !). Il reçoit une bourse de voyage qui lui permet de parcourir la France et de parfaire son style. Il sculpte la fumeuse du musée de Quimper, et participe au salon des artistes français en 1913.
Appelé au front à la guerre 14-18, il est malade, et se voit confier le rôle de mouleur de prothèses. Au retour de la guerre, il travaille dans l'atelier de Bartholomé, et participe au chantier de Pont-Scorff dans le Morbihan. La demande importante de monuments en mémoire des morts de la guerre lui assure plusieurs années de travail ; il cherche à imposer son style de représenter quelqu'un qui a souffert, ou ceux qui sont restés au pays (mère, veuve...). C'est au moins 20 monuments qu'il a réalisé dans le Finistère (Guiclan, Saint-Pol, Roscoff, Carhaix, Fouesnant, Plouhinec, Plozévet, Pont-Croix, pont de Plougastel, ...), mais aussi dans les Côtes-d'Armor et le Morbihan (Pleumeur-Bodou, Loudéac, Pontivy, Pont-Scorff, ...). Il est l'auteur du buste de Prosper Proux à Guerlesquin.
Il représenta sa mère sur le monument de Plouhinec, et une jeune cousine lui servit aussi de modèle à plusieurs reprises.
Il aura aussi une activité de peinture, et de céramique chez Henriot (dont un plat à poisson, un dessous de plat, ...), ainsi qu'un peu de gravure sur bois.
Il participa à plusieurs expositions à Paris, dont une personnelle en 1926. A l'atelier où il a travaillé à Paris rue Montmorency, on peut encore voir des poignées de portes sculptées par lui qui représentent des petites filles. René Quillivic fut un artiste très adulé de son vivant. Il décéda en 1969 à Paris.

On pourra consulter sur René Quillivic : http://fr.wikipedia.org/wiki/René_Quillivic
A la découverte des hauts lieux de mémoire : http://www.cheminsdememoire.gouv.fr/page/affichegh.php?idGH=133&idLang=fr
Informations biographiques et bibliographiques de Sylvie Blottière-Derrien à http://www.arbre-de-lune.fr/Diffusion/lesaec/expo-5.htm

 

Margot Bruyère - Laënnec médecin breton : http://www.margot-bruyere.fr/

Petit homme énergique et infatigable, René Théophile Laënnec est né à Quimper en 1781. De santé précaire, il ne vécut que 46 ans, emporté par la tuberculose qu'il aura si bien contribué à soigner. A la mort de sa mère, sa jeunesse se déroule essentiellement chez son oncle recteur d'Elliant, puis chez un autre oncle, Guillaume Laënnec, recteur de l'université de Nantes et directeur de l'école de médecine. Elève brillant, il fit ses études de médecine supérieure à Paris (avec Corvisart et Bayle comme professeurs) et entama une carrière courte mais illustre. En 1816, il est chef de service à l'hôpital Necker, et assure des fonctions de professeur à l'université. La même année, il met au point le stéthoscope, après avoir observé des enfants écoutant des sons dans un tuyau. Ami de Châteaubriand, il avait aussi des inimitiés, comme Broussais, redoutable concurrent dans le domaine de la médecine. En 1819, il écrit le "traité d'auscultation", ouvrage par la suite réédité, et encore aujourd'hui reconnu comme incontournable.
Il revenait souvent en Bretagne, dans sa propriété de Kerlouarnec à Ploaré, près de Douarnenez, faisant de longues marches dans les environs. Il avait aussi beaucoup de dons manuels, depuis la menuiserie (il avait réalisé lui-même l'escalier de sa maison) jusqu'au dessin (dont un autoportrait) et l'écriture (bretonnant aimant la langue bretonne, il avait écrit un traité sur "La guerre des Vénètes"). Devenu propriétaire de plusieurs domaines, c'était aussi un agronome soucieux du progrès agricole, et il s'entretenait souvent avec ses fermiers au cours de ses longues marches.
Décédé en Bretagne où il avait dû se retirer précocement, il fut inhumé à Ploaré.
Une statue le représente à Quimper.
On pourra consulter sur René-Théophile-Hyacinthe Laënnec les pages suivantes sur internet : http://fr.wikipedia.org/wiki/René_Laennec , http://www.medarus.org/Medecins/MedecinsTextes/laennec.html
On trouvera son "traité de l'auscultation médiate" sur le site de la bibliothèque nationale de France : http://gallica.bnf.fr
Sur le site de Margot Bruyère on pourra trouver la liste de ses romans, dont quatre pour la jeunesse.

 

Yves de Boisanger - Saint Ronan et la troménie de Locronan

Yves de Boisanger nous emmène hors du Cap-Sizun, au pays de saint Ronan à Locronan, où se déroule chaque année une petite "troménie" et tous les six ans une grande. C'est à partir des recherches de Donatien Laurent présentées en 1989 à un colloque qu'il nous fait découvrir les origines de cette troménie, parcours sacré dans la campagne, par monts et par vaux, où l'examen des points de repère remarquables hébergeant les oratoires permet de reconstituer un rectangle : ses diagonales ont des alignements sur des phases remarquables du cycle solaire annuel (lever du 1er août et 1er novembre, coucher du 1er mai et 1er février). Les solstices fournissent d'autres alignements remarquables. Autour de ces points de repères sacrés, le trajet de la troménie est très sinueux pour aller d'un point à un autre, ne rappellant un rectangle que très imparfaitement. Ce parcours initiatique passant par la forêt de Nevet remonte à l'époque gauloise, où le "nemeton" était un bois sacré. Il y a sans doute une évidente récupération de pratiques druidiques par l'église celtique (maintien de coutumes locales ou de symboles préexistants). Peut-être y a-t-il un lien avec la controverse sur la date de Pâques et le souci de maintenir une certaine continuité dans les traditions religieuses.
Saint Ronan est supposé avoir quitté Locronan après ses démélés avec la Keben, et être allé jusqu'à Hillion près de Saint-Brieuc, où le village de Saint-Renan est devenu Saint-René sous l'influence d'un évêque du XVIIe siècle.

Bibliographie : Donatien Laurent, « La troménie de Locronan : Rite, espace et temps sacré », in "Saint Ronan et la Troménie : Actes du colloque international", 28-30 avril 1989, Brest, Locronan
Pour en savoir plus sur internet : http://fr.wikipedia.org/wiki/Troménie , http://fr.wikipedia.org/wiki/Locronan

 

Laurent Barreau - Le Cap-Sizun, inspirateur des peintres

Professeur de l'histoire de l'art à Douarnenez, Laurent Barreau nous a fait découvrir le travail des peintres dans les paysages du Cap-Sizun. Jusqu'en 1850, ceux-ci étaient soumis à deux contraintes : ils devaient donner du sens à leur oeuvre en reconfigurant les paysages, et ils étaient bloqués par le transport des fragiles pots de peinture...
L'invention du tube en 1850 permet au peintre de composer directement sur le paysage, et de représenter ce qu'il voit en quittant l'atelier. A partir de 1870, il ne faut plus qu'un jour pour aller de Paris à Quimper, et nombreux sont les peintres qui choisissent le Cap-Sizun pour peindre des paysages. En 1894, un train à voie métrique relie Audierne à Douarnenez. Les artistes se succèdent au cours des ans, dont Laurent Barreau nous présente quelques tableaux :
Jules Noël, Yann d'Argent (peintre symboliste), Mathurin Méheut, Léopold Survage (cubisme au Cap), Eugène Sévellec, Jean Le Merdy (muretins de l'île de Sein), Emmanuel Lancien (la Pointe du Raz), Maxime Maufrat, Charles Cottet (baie des Trépassés au crépuscule), Jean-Georges Cornélius, Henri Moret (enfer de Plogoff), André Docher (pointe de Brézellec), Henri Matisse (gardienne de cochons à Beuzec), Lionel Floch (collégiale de Pont-Croix), René Quéré (Pors-Poullan), Henri Monnier (les frères Kerisy, marins d'Audierne), Lucien Simon (scènes de bord de mer), Paul Signac (dessins d'étude sur le port d'Audierne), René Quillivic (penture poétique), Albert Marquet (voiles rouges à Audierne), Bernard Buffet (beaucoup de paysages d'Audierne, avec des thoniers). "La lunière bretonne tamisée, où les horizons se fondent, procure de la profondeur et de la clarté" (Yves Tanguy).

 

Vies économique et maritime (samedi après-midi)

Bernard Maillard - L'enjeu énergétique pour la Bretagne

Délégué régional d' EDF, Bernard Maillard a présenté les enjeux énergétiques pour la Bretagne dans le contexte européen actuel ; l'électricité est une énergie qui ne se stocke toujours pas massivement, ce qui implique un flux tendu permanent, un marché en temps réel, avec un produit qui se négocie "en pointe et en ruban". L'Europe et ses 450 millions d'habitants est désormais l'espace d'action, où tous les marchés seront ouverts au 1er juillet 2007. Ceci fournit un large périmètre d'interconnexion, étendu au Maghreb depuis 1997. Le tarif public pour tous style timbre-poste doit rester indépendant de la distance parcourue. Les taxes associées financent les énergies renouvelables.
Les installations de production énergétique sont prévues pour durer plusieurs dizaines d'années, comme le barrage hydroélectrique de la Rance, qui a déjà 40 ans. Le réacteur nucléaire type EPR de Flamanville est prévu pour servir 60 ans. Pourtant, il faut savoir investir pour devancer la croissance permanente de la consommation.
La répartition actuelle des sources d'approvisionnement en Europe se fait pour 54% en énergies fossiles (charbon, gaz, ...), 30% en nucléaire et 16% en renouvelable (dont hydroélectrique). Le nucléaire reste incontournable dans un contexte où les biocarburants ne sauraient même assurer la relève du pétrole en voie d'épuisement.
La région Bretagne ne produit que 5% de sa consommation, qu'elle complète avec l'apport de la centrale nucléaire de Flamanville dans la Manche. Le ralentissement de la croissance fait prévoir une augmentation moyenne de 1% par an vers 2020-2030, ce qui demande un investissement de 700 milliards d'euros (au niveau français ?), dont 100 milliards pour le gaz.
L'épuisement des ressources nous fait entrer dans une période d'incertitudes ; 1 milliard de tonnes de charbon brûlé chaque année génère des émissions importantes de CO2, ce qui impose de réguler les demandes d'énergie fossile.
Le solaire reste encore cher à produire. L'énergie éolienne se développe en Bretagne (comme les 8 éoliennes de Goulien) avec un fort potentiel (30% d'énergie renouvelable prévu à terme).
Le nucléaire doit être accepté parce qu'il est économiquement rentable (46 € le mégawatt-heure produit à Flamanville). Le traitement des déchets reste un sujet important, auquel la déconstruction de Brennilis apporte des informations utiles. Les rayonnements résiduels des déchets radioactifs ne sont pas supérieurs à la radioactivité naturelle des massifs granitiques.
Dans l'avenir, les centrales trigénération et les énergies naturelles (éolienne, hydrolienne - courants marins, solaire...) permettent d'envisager le MWh à un prix entre 50 et 60 €. La recherche sur les moyens de stockage électrochimique (piles lithium, polymères...) doit s'intensifier.

Nota webmestre : le nucléaire ne laisse personne indifférent, malgré les affirmations que les risques d'accidents sont négligeables. L'improbable s'est produit à Tchernobyl il y a 20 ans, et les conséquences n'en sont pas encore clairement perceptibles en termes de santé et de longévité pour la population proche (dans un rayon de 250 km). La volonté du monde nucléaire de faire admettre comme satisfaisants des niveaux de pollution radioactive du même ordre que celui de la radioactivité naturelle n'est-elle pas une tendance à vouloir faire admettre qu'il faudra dans l'avenir apprendre à vivre avec la radioactivité ?
Autre réflexion, il semble qu'aujourd'hui la France développe l'énergie éolienne en se procurant à l'étranger des équipements qu'elle n'a pas voulu produire, assumant ainsi une dépendance de fait ?


Eoliennes de Goulien

 

Jacques Bullier - Du naufrageur au rail d'Ouessant, ou les difficultés de la navigation en Iroise

L'exposé du capitaine de vaisseau Jacques Bullier a débuté par un rappel des actions des naufrageurs, que des récits surréalistes ont amplifiées jusqu'au statut de coutumes ancestrales, quand il était peut-être plus naturel de parler de pilleurs d'épaves et de récupérateurs opportunistes ; la coutume (dite droit de "lagan" dans le Léon) admettait que toute marchandise apportée par les flots au rivage appartenait au découvreur.
La façade maritime entre la pointe du Raz et la pointe Saint-Mathieu a toujours été reconnue dangereuse pour la navigation, avec des mesures de protection et de prévention appropriées : surveillance permanente par une frégate puis par les radars du Cross-Corsen, mesures pour éviter les collisions en éloignant les navires ; et toujours en arrière-plan la hantise de marée noire qui a laissé déjà de tristes souvenirs.
Que faire en cas de danger en mer ? Fuir ou faire face ? Cela dépend de la situation par rapport à la côte, dont l'approche est dangereuse par gros temps. En cas d'avaries, les secours sont indispensables (lire "Remorques" de Roger Vercel, où le monstre d'acier libère la puissance de ses moteurs quoi qu'il arrive...).
Les systèmes de positionnement sont aujourd'hui incontournables : après le défunt "system control", le GPS est aujourd'hui l'outil vedette, et le système Galiléo bientôt disponible nous libérera de la dépendance américaine.
La connaissance des marées, des courants et de l'état de la mer complète les informations indispensables à une navigation à moindres risques, en évitant d'invoquer des principes de précaution trop absolus.

 

Michel Beaugé - La construction du phare d'Ar Men

Arrière petit-neveu de Victor Lacroix, né en 1820, qui a dirigé la construction du phare d'Ar Men, Michel Beaugé nous a fait revivre les étapes de la réalisation de 1867 à 1881 à partir des notes de son arrière grand-oncle. Au début du XIXe siècle, vers 1825, l'éclairage maritime n'était assuré auprès de l'île de Sein que par le phare de la pointe du Raz et un second sur l'île ; la chaussée de Sein, extrêmement dangereuse, n'était pas signalée. C'est en 1860 que l'on décida d'y construire un grand phare, en choisissant un récif qui émergeait de 1,5 m au-dessus des plus bas niveaux de la mer et présentait une surface utile de 12 à 15 m de long sur 7 à 8 m de large.
Il fallut d'abord percer des trous d'ancrage de 30 cm de profondeur, et araser les aspérités gênantes de la roche. Ceci ne put se faire au départ que par les plus basses marées, une vingtaine de minutes à chaque fois. Le percement de ces trous tous les mètres se fit donc sur plusieurs années. En 1868, 40 trous furent réalisés et des barres de fer furent scellées ; on put ensuite procéder à la maçonnerie de la base du phare, le temps de travail augmentant à chaque fois (sauf conditions météo défavorables). Ainsi 1872 fut une année favorable, et 1875 permit 115 heures de travail : on atteignait alors 5 à 6 m au-dessus du niveau des hautes mers.
1880 vit la fin des travaux de gros oeuvre, et le 30 août 1881 à minuit, le système d'éclairage du phare par huile minérale fut mis en route.

Pour en savoir plus sur Ar Men et les phares du Cap-Sizun : http://phares.capsizun.com/phare_ar_men.htm

 

Gilles Bernard - les activités maritimes dans le Cap-Sizun, leurs perspectives d'avenir

Les vingt dernières années, le port d'Audierne a su conserver la taille de son activité maritime ; contrairement à Douarnenez, où elle a périclité au point de disparaître quasiment entièrement. Aujourd'hui à Audierne, il reste une cinquantaine de bateaux, et 150 marins. Il existe deux types principaux de bateaux, les fileyeurs et les ligneurs, 20 à 25 unités de chaque type.
Les fileyeurs font de la pêche au moyen de filets à grosses mailles (60 cm) qui restent trois jours dans l'eau. Les prises sont des gros poissons, lotte, barbue, saint-pierre, turbot, et aussi homard et langouste. La relève (6 km de filets) se fait chaque nuit, entre 2 et 5 heures. Ceci permet de livrer au plus vite les centres de commercialisation éloignés comme Bruxelles ou Lyon. Les filets ne font pas de dégâts sur les fonds, ne prennent pas de petits poissons, et les captures accidentelles de cétacés ou de phoques sont exceptionnelles (1 par an en moyenne) ; l'usage de répulsifs pour ces animaux n'est donc pas à recommander. Les fileyeurs font en moyenne 10, 50 m de long, et ont un "château" de protection des pêcheurs à l'arrière.
Les ligneurs sont de taille plus courte (8,50 m en moyenne) mais ont une forte puissance de moteur (450 chevaux) ; ils opèrent essentiellement sur la chaussée de Sein, où les courants sont propices au bar de ligne.
Les bateaux de moins de 25 m sont dans le segment de la petite pêche, et reviennent chaque jour au port.
Le contexte de cette petite pêche a connu des changements très rapides : en 1960 il y avait une flotte de 40 thoniers germons ; en 1980, le développement d'une nouvelle flotille performante entraîna la disparition de nombreux petits bateaux ; en 1990 fut lancé un nouveau plan de sortie de flotte pour les petits bateaux.
Les activités de pêche apportent un souci permanent de risque de surpêche par des bateaux trop nombreux ou trop performants ; le pêcheur est un cueilleur, dans une ressource qu'il ne maîtrise pas : il doit donc y avoir une surveillance des stocks disponibles. Ainsi le bar est pêché à hauteur de 10.000 tonnes par an, répartis à parts égales entre professionnels et pêche de loisir. Si on améliore les techniques de pêche sur une ressource qui n'augmente pas, on risque donc d'épuiser cette ressource ; ceci reste vrai si un seul intervenant améliore sa productivité, il accroîtra sa part de pêche au détriment des autres intervenants ; il y a donc un équilibre à maîtriser, pour assurer une gestion durable de la ressource et garantir un partage équitable du gâteau.
La consommation du bar est intéressante à étudier : elle se fait de 40 à 60% hors foyer, 30% familliale et 10% festive ; les restaurateurs garantissent la traçabilité du produit. L'attente du client se fait sur le plaisir avant la diététique et la sécurité alimentaire. Il faut savoir que le bar est produit à 90% en aquaculture aujourd'hui ; pourtant, le consommateur préfère le bar de ligne, plus cher : pourquoi ? Malgré son prix (2 à 3 fois plus cher), il y a accord sur un plaisir objectif sensoriel lié à la perception en bouche et un plaisir subjectif lié à la perspective d'évocation du produit (le bar de ligne pêché en mer).
Il est donc important d'utiliser le "territoire" (i.e. le Cap-Sizun) comme instance "communicante" ; les médias sont capables de répondre très rapidement à une campagne promotionelle adaptée, et les pêcheurs pourront surfer sur l'image du produit.
Cet objectif a donc conduit à la création d'un site web, celui de l'association des ligneurs de la pointe de Bretagne : http://www.pointe-de-bretagne.fr/ que l'on pourra consulter, et où tout acheteur de produit étiqueté pourra s'informer sur le bateau, son patron, son lieu de pêche en donnant le numéro de son étiquette.